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Expatriés au Royaume-Uni : les coulisses de ces «petites écoles» qui aident à garder le lien avec la culture et la langue françaises

Expatriés au Royaume-Uni : les coulisses de ces «petites écoles» qui aident à garder le lien avec la culture et la langue françaises

Par Lily Benchick

Publié le 27/03/2024 à 12:01, mis à jour le 02/04/2024 à 19:16

 

Expatriés au Royaume-Uni : les coulisses de ces «petites écoles» qui aident à garder le lien avec la culture et la langue françaises

ENQUÊTE - Pour les Français installés outre-Manche, ne pas inscrire ses enfants dans le système scolaire français peut être un choix éducatif et d'intégration assumé. Ce qui n’empêche pas d’avoir recours des dispositifs permettant de les immerger dans la culture française.

« À la naissance de ma fille, on s'est posé la question avec mon mari : fallait-il parler anglais ou français à la maison ? Puis, on s'est dit que ce serait mieux pour elle de s'immerger complètement dans la culture et la langue britanniques », se souvient Agnès, une Française de 35 ans, installée dans la banlieue de Londres, et mariée à un Britannique.

Mais sa vision a subitement évolué quand elle s'est aperçue que sa petite Clara, alors âgée de 3 ans, avait des difficultés à échanger avec ses grands-parents français. «Ma mère m'a alors fait la remarque, et je me suis dit qu'effectivement, ce serait dommage que ma fille n’apprenne pas la langue français, pour échanger avec ma famille ou simplement s’ouvrir plus d'opportunités dans la vie ».

Français de Londres : petit guide à l'usage des expatriés dans la capitale britannique :
http://www.lefigaro.fr/international/dossier/francais-de-londres-petit-guide-a-l-usage-des-expatries-dans-la-capitale-britannique

«Le meilleur des deux mondes»

Agnès a alors commencé à parler à sa fille en français à la maison, mais cela ne semblait pas suffire, passé un certain âge, d'autant plus que la petite était inscrite dans le système éducatif britannique. « C'est là que j'ai décidé de trouver une petite école où Clara pourrait apprendre le français ».

Pas question de la changer de système scolaire, simplement de l'immerger quelques heures par semaine dans un monde plus francophone. Agnès se renseigne et découvre le dispositif des petites écoles FLAM (Français LAngue Maternelle), qui dispensent quelques cours le week-end. « J'ai trouvé ça génial comme idée et j'ai tout de suite inscrit Clara ».

Cela fait deux ans maintenant que la petite franco-britannique apprend les fondamentaux de la grammaire tout en s'amusant, à travers des activités culturelles, telles que la musique ou le théâtre. « Je ne regrette pas une seconde », lance Agnès, « elle a fait d'énormes progrès et mes parents sont maintenant heureux de pouvoir interagir plus facilement avec elle quand nous rentrons pendant les vacances scolaires ». Car c'est bien là le but aussi : permettre aux enfants de profiter au mieux de leur bi-culturalité.
« C'est essentiel », confirme Laure, qui elle aussi, a mis ses deux enfants dans une petite école française. « Ces structures sont un vrai complément à ce que l'on peut leur offrir directement avec mon époux ». Couple de Français, Laure et Olivier ont fait le choix de mettre leur fils et leur fille dans une école britannique. « Nous n'avions pas les moyens de les inscrire au Lycée français, donc on a opté pour notre école de quartier », confie la trentenaire, « si on leur parle tous les jours en français à la maison, on s'est dit que ce serait bien qu'ils aient aussi des copains français ou qui parlent français. Maintenant, ils ont un peu le meilleur des deux mondes », sourit Laure.

5500 enfants inscrits

C'est dire l’essor pris par ces «petites écoles». La première structure est née en 1980, à Bristol. En 2023, sur l'ensemble du Royaume-Uni, 56 petites écoles FLAM étaient recensées. Le nombre d'écoliers inscrits varie selon les années, mais environ 5500 enfants profitent aujourd'hui des services dispensés par les structures Flam.

Chaque semaine, ces structures, qui ne sont pas des écoles au sens propre du terme car elles ne dispensent pas de cours comme dans un établissement scolaire, accueillent, le week-end ou en fin d'après-midi et pour quelques heures, des enfants francophones scolarisés dans le système britannique. Ces « écoles » sont fédérées sous la structure appelée Parapluie FLAM, créée en 2013 et qui reçoit des subventions de l'Agence pour l'Enseignement du Français à l'Etranger, forme des enseignants et garantit le bon fonctionnement légal de chaque structure.

Car pour être reconnue comme école FLAM, il faut répondre à certains critères : être une association dûment constituée à but non lucratif ; faire apparaître clairement dans ses statuts la pratique de la langue française ; organiser localement des activités régulières et fréquentes autour de la langue française et des cultures française et francophone pour un public d'enfants et d'adolescents français ou binationaux, âgés en 3 et 18 ans, dans un territoire donné hors de France ; comprendre dans ses effectifs un minimum de 50% d'enfants ou adolescents français non scolarisés en français (le public complémentaire pouvant être composé d'enfants ou d'adolescents d'une autre nationalité ayant une connaissance suffisante du français).

L'importance du maintien de la langue

« Chacune des petites écoles FLAM est une entité indépendante, avec son règlement intérieur propre, son programme, son offre d'activités », explique la présidente du Parapluie FLAM, Sophie Gavrois-Karnavos. L'existence de telles structures est, selon elle, essentielle. « Quand un seul des parents est français, que le couple travaille de longues heures dans la semaine, il peut arriver que l'interaction linguistique en français avec l'enfant soit faible », commente-t-elle, « la langue anglaise, d'autant plus si l'enfant est scolarisé dans le système scolaire du pays, va donc prendre la priorité et l'avantage sur le cerveau »

Les petites écoles FLAM viennent donc en « soutien pour le maintien de la langue ». « On connaît les avantages à être bilingue ou multilingue, avec l'ouverture plus large de perspectives de carrière mais aussi une vue plus large sur le monde », rappelle la présidente.

Si le succès des écoles FLAM se confirme, c'est aussi, parce que comme Laure l'a expliqué, tous les parents français ou les couples binationaux n'ont pas les moyens de mettre leurs enfants dans une école française. Le coût moyen par enfant pour l'inscription au Lycée français de Londres est par exemple de plus de £14,500 (près de 17,000 euros) pour une année en maternelle à plus de £13,500 pour le secondaire (près de 16,000 euros). « Il existe des bourses, mais elles sont limitées », estime Sophie Gavrois-Karnavos, « et l'offre des écoles bilingues ou homologuées est assez restreinte hors de Londres. Les écoles FLAM répondent donc à un besoin quand il n'y a pas d'autres options pour les parents ». L

Des petites écoles, mais de grands projets

« Comment se sentir complètement français si l'on ne maîtrise pas le français ? », interroge Henriette Mahamane, qui est à la tête de la petite école de Leeds, qui fêtera ses 20 ans l'an prochain. Fondée en 2005 par trois mamans voulant aider leurs enfants à garder un lien avec la langue et la culture française, elles ont commencé l'école avec cinq enfants. Aujourd'hui, ils sont un peu moins de 150 élèves, de 18 mois à 18 ans, accueillis tous les samedis de 10h à 12h30. « Les parents inscrivent d'abord leurs enfants pour qu'ils puissent communiquer avec la famille restée en France, mais nous avons aussi beaucoup de familles mixtes, et le parent français se rend souvent compte très vite qu'il est très difficile d'enseigner le français à leurs enfants de manière isolée », explique Henriette Mahamane.

Au sein de l'école, les élèves apprennent la grammaire, la conjugaison... Depuis 2021, l'établissement offre même la possibilité de passer le Diplôme d'Études en Langue Française (DELF). « Nous avons voulu aller plus loin que l'aspect linguistique, avec l'organisation d'événements culturels comme le carnaval, la galette des rois ou la chandeleur, par exemple », ajoute la directrice, « nous avons aussi introduit un voyage scolaire annuel en France pour les niveaux collège et lycée, incluant des échanges avec des élus, des élèves de collège, des visites d'associations, de musées, etc... Parce que nous avons compris que le sentiment d'appartenance et le développement de leur identité française sont extrêmement importants pour les adolescents et jouent grandement sur leur rapport à la langue française et leur volonté d'apprendre ».

L'école a, dans cette optique, établi le premier jumelage du réseau FLAM avec un collège français situé à Bayonne
L'ombre du Brexit

Si ces petites écoles sont un soutien indéniable pour les familles, elles souffrent des conséquences du Brexit. Les nouvelles règles migratoires, qui se sont encore durcies ces dernières semaines, ne permettent plus à ces structures d'employer, comme auparavant, des assistants de langues et même des enseignants.

Ces petites écoles, qui n'emploient les assistants de langue ou les enseignants que pour quelques heures par semaine, ne peuvent pas financièrement supporter une demande de sponsorship, obligatoire pour pouvoir recruter des personnes non britanniques et résidentes hors Royaume-Uni. Avant le Brexit, ces structures pouvaient compter sur la venue d'étudiants, de jeunes venus apprendre l'anglais ou des au pairs. Ce n'est plus le cas, aujourd’hui.

C'est le cas par exemple au Petit Club Français d'Oxfordshire, créé en 2008 et qui enseigne la langue française à des enfants le samedi matin. La structure accueille aujourd'hui environ 70 enfants, pour une équipe encadrante de huit personnes.

« On avait déjà constaté des premiers soucis, dès 2021, dans le recrutement ou pour faire fonctionner le club à cause du manque d'enseignants », confie l'équipe de cette petite école. En 2022, les choses se sont aggravées sous l’effet combiné du Covid et du Brexit, qui a entraîné le retour de certains enseignants. Depuis, il n'y a pas vraiment eu de renouvellement d'expatriés, ou du moins de conjoints suiveurs qui ont obtenu tout de suite un visa de travail, pour compenser cette perte sèche.

Aussi, les petites écoles espèrent un assouplissement des conditions de mobilité des plus jeunes. Car c'est le développement de la promotion de la langue et de la culture françaises au Royaume-Uni qui est en jeu.

 

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